vendredi, novembre 30, 2007

L'identité

L'identité. La nôtre, celle qui réside dans le prénom que nous habitons, celle qui fait office du sceau sacré qui scelle le produit humain personnalisé que nous sommes. J'aime connaître les prénoms des gens, cela ajoute une teinte à la perception que j'ai des autres.

Savoir se distinguer par son prénom. Pas par son originalité, mais par sa façon de nous être propre même si nous le partageons avec des milliers d'autres personnes.

La conscience de soi arrive autour de l'âge d'un an, mais les enfants reconnaissent bien avant leur prénom.

J'ai décidé récemment qu'il était temps que je reçoive une certaine rétroaction lorsque je demande à mon p'tit dernier de deux ans de me valider son identité.

J'y travaille ardemment. Depuis deux semaines, cependant, je me bute au même dialogue carbone:

Moi, enthousiaste -Comment tu t'appelles?

Frédéric, souriant du tenace leitmotiv - (...)

Moi, m'imaginant compétente pédagogue -Tu t'appelles Frédéric. Tu le sais bien que tu t'appelles Frédéric!

Frédéric, baissant les yeux et camouflant son sourire ou regardant droit dans les yeux la mère acharnée que je suis -(...)

Moi, patiente, mais insistante -Comment tu t'appelles? Vas-tu me dire ton nom?

Fred, dégelant toujours à cette étape -MON NOM!!

Moi, ton enjoué -Ton nom, c'est Frrrédéric!

Fred, grand sourire baveux -(...)

Moi, encourageante -Dis-le: F-r-é-d-é-r-i-c.

Lui, piton collé -Mon nom. MON NOM! MAMAN MON NOM, MON NOM...

Moi, tentant de modifier l'issue habituelle du discours sans trop y croire -Ton nom est Frédéric.

"Mon nom", grand sourire baveux -Mon NOM!

Moi, devenue désespérée, plus convainquante (l'ai-je déjà été?) du tout -Comment tu t'appelles?

Frédéric, plus arrêtable -MON NOM, MON NOM, MAMAN MON NOM! MAMAAAAAN, MON NOM!

-Pfff! Il est où le gros bébé gâté de maman?

Se pointant fièrement du doigt -Il est là!

Peut-être préfère-t-il se conforter dans cette identité affective?

jeudi, novembre 29, 2007

Je veux tout

Ce ne sont pas des blagues lorsque je dis que je veux tout.

Je veux le beurre, l’argent du beurre, la chèvre, le chou, le loup dans la bergerie et les moutons intacts. Je veux l’ours éternel et sa peau avant de l’avoir tué, je veux l’œuf et le bœuf, je veux l’aiguille et la botte de foin, je veux le chat parti pas trop loin et les souris qui savent danser dans le bonheur de l’insouciance sans être dupes pour autant.

Je sais, on ne peut pas tout avoir et cette idée me révolte. Il y a trop de beau, de grandiose et d’inspirant. Je déteste devoir prendre des décisions. Je ne suis pas une fille raisonnable.

Je veux jouir de mes enfants, m’imprégner de leur fraîcheur, de leur vitalité, de leur essence (le Doc Maillet se régalerait de ma perversion). Je veux le travail et sa gratification, je veux réapprendre à apprécier de l’extérieur la valeur de ce que je possède ici, maintenant. Je veux la latitude nécessaire pour terminer mon livre sans les contraintes qui viennent avec.

Je veux me défouler au judo, prendre des cours de tango et grimper régulièrement. Je veux avoir la motivation de courir plus souvent, le temps et le plaisir de profiter de mon amoureux, la créativité nécessaire pour remplir toutes les pochettes de mon calendrier de l’Avent (et la patience d’assumer leur contenu).

Je veux faire des duos piano-violon avec mon homme, je veux me familiariser avec la désespérante clé de Fa à l’accordéon (et varier mon pénible répertoire, me supplieraient les autres), je veux prendre le temps de faire une charmante petite courtepointe pour envelopper douillettement l’urne de Thomas. Je veux trouver le temps d’imprimer des tonnes de photos pour lui faire un album de scrapbooking (m’initier à cet art du même coup).

Je veux peut-être concevoir un autre enfant, mais sans la multitude de contraintes intrinsèques à une grossesse. Je veux la folie et la fantaisie, mais pas au détriment du peu de sécurité qui m’habite. Je veux éliminer le matériel superflu et être comblée de cette sensation de dégagement.

Je veux trouver ma voie, je veux apprendre à lâcher prise, je veux accéder à la sérénité. Je veux aider les autres, je veux que ce que je suis fasse une différence pour quelqu’un.

Je veux des montagnes, des falaises, des hauteurs, du vert, du gris, du orange, du bleu. Je veux me gaver des secousses intérieures que procure l’immensité et m’émouvoir devant la simplicité des gestes de fraternité.

Je veux des sushis au thon rouge, des éclats de rire, de l’écoute, de la spontanéité, de la verve. Je veux de la douceur, des attentions, des amitiés verdoyantes, de la crème brûlée, de la dérision, auto ou pas.

Je suis idéaliste, j’aime les idées inspirantes et confortables. Je suis exigeante, aussi. J’ai hélas conscience que c’est souvent lorsqu’on lâche prise sur les luttes intérieures qu’engendrent tant d’exigences que les choses se placent naturellement pour nous faire converger vers la sérénité. Le jour où je saurai lâcher prise, renoncer, abdiquer en souriant, je serai auréolée de sagesse et je serai enfin devenue une grande dame.

mercredi, novembre 28, 2007

Générosité

L'apprentissage du rapport des enfants à l'argent me charme. Ils questionnent, évaluent, relativisent. Combien coûte une maison? Une voiture? Une pizza? Un rendez-vous chez le dentiste? Un portable? Combien d'argent avons-nous? À combien s'élèvent nos dettes? Combien d'argent gagne Grand-Homme? Combien d'argent mon livre pourrait rapporter, allez, allez, dis un chiffre, juste pour nous donner une idée.

Depuis deux semaines, les garçons élaborent leur liste de cadeaux de Noël, découpent dans leurs magazines les cadeaux espérés, font des recherches sur Internet. Devant les innombrables items des listes, je leur répète quotidiennement qu'il ne faut pas entretenir trop d'attentes car les cadeaux seront très très petits cette année. Qui plus est, nous avons une dépense imprévue qui constitue la priorité.

Ils savent encore me surprendre. Coco trouva sous mon lit il y a quelques jours trois sous (mon amoureux et ses fuites!). Il alla s'informer à Grand-Homme s'il pouvait les garder.

Devant l'affirmative, sourire élastique aux lèvres, il vint me les offrir en espérant faire lui aussi sa part et m'apporter de ce fait un grand soulagement. Offerts avec tant de générosité, comment les refuser? Il fallut voir le pétillement dans le bleu clair de ses yeux pour comprendre sa fierté d'avoir contribué à éponger le déficit.

En plongeant la main dans la poche de mon jeans ce matin, je souris en tâtant mon nouveau porte-bonheur en pièces détachées.

Hier soir, ce fut Tout-Doux (fier d'être le plus riche de la gang) qui m'annonça avec désinvolture que je pouvais prendre le contenu de son compte en banque pour acheter des cadeaux à la fratrie en spécifiant que ce n'était pas grave si je ne le remboursais pas.

On a beau dire que les enfants sont exigeants, je les trouve surtout magnifiques dans leurs gestes et leurs intentions.

mardi, novembre 27, 2007

Exercices d'humilité

-Recevoir de nouvelles gens à la maison lorsque cette dernière n'est pas nickel comme vous le souhaiteriez;

-Se faire dire subtilement par votre irréprochable voisin retraité que votre haie commence à être haute;

-Défaire par abstinence la ligne parfaite du même modèle de lumières de Noël qui constitue la décoration majeure et continue de toutes les maisons du voisinage;

-Être la seule maison de la rue à n'avoir pas préparé son terrain pour l'hiver;

-Avoir en permanence la voiture la plus sale du voisinage et se faire passer des commentaires admiratifs par les voisins les rares fois où celle-ci rentre au stationnement étincelante de propreté;

-Confier à son si gentil médecin des sentiments durs à s'admettre à soi-même;

-Se permettre, en rencontrant une connaissance bien intentionnée, d'être froide et distante parce que vous n'avez pas envie de vous affubler d'un lourd sourire artificiel dans ce moment où vous n'avez que l'urgent besoin d'avoir la paix;

-Affirmer ouvertement n'être pas tant au-dessus de vos affaires que vous le laissez parfois paraître et soupirer de la légèreté de l'honnêteté.

Exercices d'humilité, désinvolture, insouciance, négligence, gestion de priorités?

jeudi, novembre 22, 2007

Publicité et éducation sexuelle

Pour la charnelle, l'indécente et la lubrique Gooba.

Chaque matin, de mon lit, j'entends la lutte entre Tout-Doux et Coco pour atteindre en premier la trappe du chauffage de la salle à manger. Le premier arrivé s'y installe, souvent enveloppé dans une grande couverture et monopolise la zone de confort.

Un matin cette semaine, de mon lit, je n'entendis pas la lutte désespérée, mais le tintement des cuillères sur les bols entre deux confidences. Les deux habituels belligérants se partageaient l'espace en mangeant leurs céréales.

Tout-Doux, huit ans, confia à son jeune frère: "Moi, quand je vais être grand, je vais faire l'amour avec Alisha".

Coco, étonné -Est-ce que tu vas mettre un condom?

Tout-Doux, responsable -Oui, je vais mettre un condom Trojan.

Coco, vigilant -Les condoms Trojan, ça protège de tout, sauf des enfants.

Tout-Doux, rectifiant -Non, c'est pas ça. Les condoms Trojan, ça protège de tout, sauf du plaisir.

Coco, candide -Ah.

Tout-Doux, haussant les épaules -De toute façon, on n'est pas obligé de mettre un condom. On peut mettre un ballon, aussi.

Coco, gêné -Un ballon sur notre....?? Hihihihi!

Tout-Doux, pédagogue -Oui, ça fait la même chose.

Naïfs, mais conséquents. Voilà l'effet de la pub chez mes enfants.

Mon totem

J'ai bien tenté de me présenter au rendez-vous de Grand-Charme ce matin, mais après une dizaine de kilomètres, la tempête est venue à bout de ma confiance: jamais nous ne réussirions à atteindre l'hôpital sans avoir d'accident.

Routes glacées, grésil, visibilité mauvaise, mauvais pneus. Je déclare que si nous réussissons à monter la côte de l'église, nous serons peut-être en mesure de nous rendre à bon port.

Je réalise après plusieurs pertes de contrôle de la voiture que se rendre à ce rendez-vous est carrément suicidaire. Il faut annuler.

Depuis le début du trajet, Grand-Charme est mon bras droit. Il est responsable du cellulaire. C'est lui qui, à ma demande, téléphone à la garderie pour annoncer que Frédéric restera avec nous aujourd'hui. C'est aussi lui qui, gêné, doit rappeler à la garderie pour annoncer que finalement, nous n'allons plus à l'hôpital et que Fred ira plutôt retrouver ses amis.

Je suis littéralement paniquée des mauvaises conditions et m'arrête plusieurs fois pour briser la glace sur les essui-glaces en manifestant à haute voix ma peur et mon angoisse.

La route est tellement mauvaise que je décrète que re-finalement, Bébé n'ira pas à la garderie. Je retourne à la maison avec lui et n'en sors plus.

Grand-Charme soupire et me baptise officiellement: "Maman, si tu étais scout, ton nom de totem serait girouette insécure."

Il a dit.

mercredi, novembre 21, 2007

L'amour aux temps du choléra

Le chef-d'oeuvre de Gabriel Garcìa Marquez, un de mes auteurs préférés, sortira bientôt en film, si ce n'est déjà fait. Je suis remuée qu'on ait pu espérer produire un film à la hauteur de cette oeuvre magistrale, de ses subtilités infinies et de son humour si succulent. Rarement suis-je tombée amoureuse aussi éperdument de l'âme d'une histoire, du riche imaginaire d'un écrivain véhiculés à travers des mots toujours parfaitement justes.

J'ai entendu une critique EXTRÊMEMENT décevante du résultat cinématographique. Comment une oeuvre cinématographique pourrait-elle conserver de façon précise (pas envie d'une adaptation) toute la superbe du ton d'une oeuvre littéraire (je m'étais posé la question en tombant par hasard sur Stupeur et tremblements sur les tablettes du club vidéo et je n'avais pas pu résister. Je n'avais pas été trop déçue, le ton avait su être conservé. Simplifié, mais conservé.).

Vais-je pousser ma curiosité jusqu'à aller démollir ma conception au grand écran?

mardi, novembre 20, 2007

Blanche

Blanche, comme la première neige.

Accueillante, futée, intuitive, coquette. Une dame de classe et d'humilité, une fée des fleurs, une hôtesse reine, une digne femme de la terre. Généreuse, espiègle, solide et vulnérable à la fois. Une éternelle amoureuse. Le genre de femme qu'on s'arrange pour ne pas décevoir.

Blanche. C'était ma grand-mère et c'est ce matin, à 91 ans, qu'elle est partie rejoindre son Paul-Émile.

Au revoir, douce grand-mère.

PS. J'aime penser à de touchantes retrouvailles entre elle et son mari, entre elle et ses deux filles qui l'ont devancée de plusieurs décennies. Je ne puis m'empêcher de songer que désormais, elle puisse accéder aussi au monde de mon Thomas.

lundi, novembre 19, 2007

Éclectisme en éducation

De nature éclectique en ce qui a trait à mes méthodes d'éducation, il m'arrive d'emprunter des trucs qui semblent fonctionner ailleurs lorsque l'efficacité de mon approche semble s'essouffler.

Ce fut le cas la semaine dernière. Je le constatai lorsqu'après avoir été bordés quarante minutes plus tôt, les enfants se relevaient une énième fois pour des raisons indignes de ce nom.

Je m'écriai, en les voyant surgir de toutes parts dans ma tardive tranquillité, qu'ils dépassaient mes limites et que je ne voulais plus en voir un de la soirée.

Tout-Doux brava ma colère pour me demander pourquoi ils ne pouvaient plus se lever.

C'est alors que je me remémorai ce truc de Madame Unetelle, que je gardais en réserve pour un éventuel cas désespéré.

Je lui répondis tout de go qu'il était 21h06, qu'ils devaient dormir depuis longtemps et qu'à cette heure, en plus, maman devenait hystérique.

Chacun repartit dans sa chambre, me laissant enfin apprécier le silence.

Le lendemain, tandis qu'à la lueur d'une bougie je me faisais cuire assaisonnée de Kundera dans un bain moussant, on frappa à la porte.

C'était Tout-Doux.

-Qu'est-ce qu'il y a? demandai-je sur un ton étonnament calme pour l'heure.

À travers la porte, il me demanda doucement: "Maman, pendant que t'es pas encore hystérique, est-ce que je peux dormir dans le lit de Coco?"

Leçon apprise.

vendredi, novembre 16, 2007

Outil d'efficacité



Génial pour le ménage.

Le ton du chanteur des Pet Shop Boys me rappelle celui du chanteur des Violent Femmes -et de mon adolescence. J'adore!

Fête de ma maman aujourd'hui. Toute la gang fait sa part pour le souper de ce soir. J'ai troqué la préparation du repas contre la moppe -excellente partenaire de danse- de Fils Aîné. Excellent deal.

jeudi, novembre 15, 2007

300

Je ne fais pas référence aux Spartiates, mais à mon livre.

C'est simplement que...rédiger sa trois-centième page procure un je-ne-sais-quoi de satisfaisant. :)

La force du réseau

Depuis le début de ma vie adulte, j’ai connu les bienfaits de deux types de vie complémentaires: l’isolement dû à mes études –à distance (j’ai fondé ma famille en étudiant à plein temps) et la nourriture sociale que constitue le réseau développé par le travail.

Pour le social, il y avait la famille, les amitiés, les collègues. Puis, l’organisme communautaire de mon quartier dans lequel je m’impliquais et les camarades du judo.

Il y eut, après mes études, les congés de maternité qui me plongeaient dans un profond paradoxe : la famine sociale liée à l’isolement par opposition à mon besoin de demeurer avec mes bébés jusqu’à ce qu’ils puissent se déplacer à quatre pattes, prononcer un « maman » enthousiaste doux à mes oreilles pour m’accueillir à mon retour du travail.

Il y eut l’unique session de maîtrise où je sentis la liberté absolue que constitue le fait de circuler dans un lieu de savoir en étant autre chose qu’une mère. Il y eut mon travail auprès de chercheurs en communication et toute la confiance qu’ils avaient placée en moi. Y a-t-il plus enivrant sentiment que celui de se sentir admiré et estimé?

Socialement, il y eut des dîners fous de copines spontanées, charismatiques et lumineuses.

Il y eut aussi la reddition : je n’arriverais pas à terminer ma maîtrise avec quatre enfants, peu de sommeil, beaucoup de responsabilités, pas de soutien conjugal et un couple à la dérive.

Puis, il y eut ma séparation. Une libératrice mais tout de même douloureuse séparation où je me savais la force de passer à travers alors qu’on s’inquiétait de ma solidité. Je me sentais solide parce qu’élément d’un système où règne l’homéostasie, parce que membre d’un réseau, parce que confiante en ma force.

Il y eut mon amour profond pour mon homme et plus vite que l’éclair (!), les deux divins enfants que nous avons eus ensemble.

En trois ans, il y eut une séparation, un nouvel amoureux, beaucoup d’adaptation de part et d’autre, la naissance de deux enfants, la mort de l’un d’entre eux, le démarrage d’une entreprise, le sabordage de celle-ci, trois cancers pour mon père et des soucis de différents ordres. De l'amour gros comme ça, aussi.

Ces trois dernières années et demi, il y eut l’effritement de mon réseau social. Parce qu’en congé de maternité prolongé et sans vie sociale active, la famine est plus criante et menaçante que jamais.

Aller prendre une bière avec une copine, aller dîner avec une autre de temps à autre, c’est momentanément nourrissant, mais ça ne remplace pas l’apport vitaminique du réseau.

Le réseau, c’est le système dans lequel tout être humain trouve la place qui tend à le mener à l’équilibre. C’est sa part d’appartenance au monde actif. Le réseau, c’est la gang, c’est l’appui derrière, c’est les petites tapes dans le dos, c’est l’image positive que l’on nous renvoie de nous-même et qui nourrit notre estime, notre sentiment d’avoir des compétences et une personnalité qui nous sont propres, c’est la certitude d’avoir une place dans une communauté, c’est prendre du système et lui redonner autrement, c’est sentir que l’on contribue nous aussi à nourrir la machine.

La richesse du réseau, c’est les discussions spontanées au bureau au détour d’un couloir, c’est le bonjour joyeux aux collègues le matin, c’est la force de la cohésion, le partage des bons coups, les fous rires, les brainstorming d’équipe, le feed-back, l’entraide, les compliments inattendus, les sourires de ses pairs, la reconnaissance, la familiarité, l’accueil des autres, la gratification sociale.

Graduellement, j’ai perdu cela. C’est un vide immense et on pourrait croire que le vide ne pèse rien. C’est faux. Le Vide, c’est très lourd. Seuls, sans reflet de nous-même, qui sommes-nous? N’est-ce pas essentiel d’avoir la possibilité de se voir dans le regard de l’autre pour être en mesure de maintenir et de peaufiner la définition que nous nous faisons de nous-même?

Être consciente quotidiennement des riches réseaux dont fait partie l'être qui partage ma vie me confronte. Cela creuse un écart entre nos réalités dans un moment où j’ai plus besoin du diapason que du fossé.

La solitude est douce, l’isolement est destructeur. Je suis devenue un terreau parfaitement fertile pour la folie.

Mes implications isolées ne me permettent pas de développer de réseaux, seulement quelques connaissances agréables, mais éparses et sans force de frappe.

Durant l’année de mon entreprise, il y eut le réseautage d’affaires. Ce fut agréable et je suis heureuse de l'avoir fait même si ce n'était pas exactement ce que je recherchais humainement. Rencontrer d’autres entrepreneurs, discuter, partager des repas, s’informer ou simplement se reconnaître et se saluer.

Hélas, ce fut aussi une année de deuil où mon esprit était absent. Avalé par autre chose. Ailleurs, dans un univers émotif inconnu. Paralysé. L’émotif sollicite toute ma personne. Impossible de m’en dissocier. Utopique d’espérer en faire fi pour les besoins de la cause. Rencontres superficielles, donc, où il me fallait me détacher de mon fardeau émotif le temps de m'intégrer aux affaires. Quelle illusion! Off la sourde souffrance, on le masque de sociabilité.

La reconstruction d’un réseau est graduelle. Le mien n’en est pas encore aux devis.

J’espère depuis des mois terminer mon livre avant de retourner travailler. Boucler un projet avant d’en démarrer un autre. Être entièrement disponible d’esprit. J’ignore actuellement comment je pourrais concilier les deux. Finances, besoin de réalisation et soif de social obligent, je continue tout de même ma recherche d’emploi.

Peut-on avoir un aussi grand besoin de calme et de solitude pour terminer un projet essentiel à notre survie émotive en même temps que la quête désespérée de la gratification qui vient avec le reflet positif de nous-même issu du réseau?

mercredi, novembre 14, 2007

Enfants et étrangers

Comme tous les parents, je sers régulièrement à mes enfants le discours sur l'attitude à adopter avec les étrangers: ne pas accepter d'argent ou de bonbons d'un inconnu, refuser de chercher un petit chien avec un adulte même s'il semble sincère, ne pas embarquer dans la voiture d'un étranger, les référer à un autre adulte, vous connaissez les variantes!

Toutes ces consignes valent pour l'ensemble des étrangers même si la grande majorité d'entre eux ne sont pas des gens mal intentionnés. L'attitude à adopter envers les étrangers est régie par la méchante minorité.

Voilà deux matins ces derniers mois où devant la pinte vide, j'envoie Tout-Doux acheter du lait (une fois que je l'estime -à tort- démêlé en ce qui a trait aux différents pourcentage de gras et innombrables formats!).

Voilà deux matins qu'il me revient avec un format de lait plus gros que ce que la monnaie en poche lui permettait. Il m'explique alors que c'est un autre client qui a payé pour lui la différence de plusieurs dollars. Le client -ce matin, un vieux monsieur- ne lui demandait rien. Sans doute amusé de voir le jeune garçon déposer sur le comptoir sa tintante poignée de monnaie, il a simplement posé un geste de gentillesse gratuite.

"Tu as dit merci?"

-Oui, mais j'étais un peu gêné.

-Tu sais que cet homme qui a été gentil, s'il t'avait demandé de le suivre, tu aurais dû dire non? Tu sais que tu ne lui aurais rien dû parce que les gestes gratuits, on ne demande rien en retour?

-Oui, je sais.

Cela me laisse perplexe. Le vieil homme était vraisemblablement bien intentionné et je ne crois pas que mon fils ait été en danger. Des gens aimables, il en existe beaucoup.

Ce qui m'inquiète, c'est que la ligne de notre perception peut être tellement mince entre un étranger aimable par pure bonté d'âme et un étranger momentanément aimable pour mieux appâter un enfant. Comment expliquer cela à un enfant? Les kidnappeurs d'enfants ne les abordent pas en se présentant comme de dangereux personnages!

Reste-t-il une autre option, après la sensibilisation faite aux enfants, que d'espérer qu'ils aient, à huit-dix-douze ans, l'intuition et le jugement de faire eux-même le tri des gestes d'altruisme qu'ils peuvent accepter en sachant qu'ils peuvent aussi se tromper?

La petite Cédrika connaissait elle aussi les consignes et croyait avoir affaire à quelqu'un de sincère.

Au-delà de la vigilance, est-ce une question de chance?

mardi, novembre 13, 2007

Candeur verte

Tout-Doux, fier de son idée de génie, venant doucement me tirer de mon sommeil ce matin: "Maman! Je l'sais ce qu'on pourrait faire pour économiser de l'argent! On pourrait garder les pépins de tous les fruits qu'on achète, les semer et faire pousser nos propres fruits!"

Inculte

Depuis quelques mois, je sais que je suis inculte en matière de sauce de pseudo-vedettes de télé-réalité lorsqu'en attendant aux caisses de l'épicerie, je ne reconnais sur les magazines à potins aucun visage familier.

"Stéphanie évincée du loft", "Les confessions d'une sex-symbol", "L'heure juste à propos de Laurie", "La face cachée de Melinda", "L'enfance douloureuse de Freddy"...On n'a plus les médias de vedettes qu'on avait!

lundi, novembre 12, 2007

Le bonheur

Ces derniers jours, je cogite énormément sur le bonheur. Je connais la pensée qui dit que le bonheur n'est pas une destination à atteindre mais une façon de voyager.

J'ai déjà voyagé ainsi. Insouciante, libre, désinvolte, sagace, légère et heureuse. Je préparais le souper en dansant, j'étais agréable à côtoyer, je chantais, me comparais peu aux autres, jouais beaucoup avec les enfants, qui s'attroupaient autour de moi pour baigner dans ma joie de vivre. Très peu de facteurs pouvaient altérer mon bonheur. Peu importe ce que je faisais, où j'étais, avec qui j'étais et quels doutes m'habitaient, j'étais entièrement heureuse avec la fille que j'étais et je savais faire face à tout avec un inaltérable optimisme. Cette faculté, je la croyais à tort acquise.

À présent, mon bonheur est différent. Fragmenté. Mon bonheur n'est plus une ligne continue qui s'adapte à mes pas dansants, mais de petits fragments épars d'états pendant lesquels je me dis: "Là, dans ce moment présent, dans ce contexte particulier, avec cet état précis, je suis heureuse et je connais le délicieux goût du bonheur". Je ne fais alors pas que respirer et assumer, je vis.

Admirer certaines personnes est une chose. Admirer celle que l'on fut mais dont on n'arrive plus à retracer le splendide filtre de couleurs en est une autre.

mardi, novembre 06, 2007

Zoothérapie

Tout-Doux (huit ans), étendu sur le divan et caressant la petite chatte après une journée particulièrement émotive pour lui: "Maman, moi, quand j'suis triste, on dirait des fois que c'est juste les animaux qui peuvent me consoler."

Moi -C'est vrai que les animaux nous font du bien. Ils le sentent quand on a besoin de réconfort.

Lui -Ils viennent nous voir, ils jouent avec nous, ils sont capable de sentir la présence des fantômes, ils sont doux.

Moi -Dans certains hôpitaux, on amène parfois aux enfants malades de petits chiens. Ils font du bien aux enfants, même aux adultes.

Lui -Moi, je dis que les animaux nous font tellement de bien qu'ils sont comme des médicaments!

Euh, c'est une façon de voir les choses, mais je ne suis pas certaine que j'échangerais notre Mimi contre une boîte de pilules...

Diplomatie

Grand-Charme (dix ans), mieilleux, après avoir fait de son mieux pour terminer en vain son assiette: "Maman, c'était une très bonne initiative ta nouvelle recette, mais ça ne me plaît pas...(ton solonnel faussement ému) M'acceptes-tu comme je suis?" (imaginer ici les battements de cils accompagnant l'attente de mon fou rire et de ma reddition).

Voilà là un jeune homme dont le raffinement et la diplomatie ne cessent de m'étonner.

vendredi, novembre 02, 2007

Illustration

Femme Libre, en commentaire au billet précédent, reconnait la grandeur d'âme de Fils Aîné. C'est vrai, je présente souvent l'aspect dur, audacieux et rusé de mon aîné. Il n'est pas insensible pour autant et le flair et la perspicacité de Femme Libre l'ont détecté depuis un bon moment.

Je vous raconte donc une anecdote illustrant à merveille la capacité de don de soi de Fils Aîné.

C'était il y a un peu plus de deux ans et les garçons étaient en journée pédagogique. J'étais fatiguée, impatiente, intense et caractérielle (enceinte) jusqu'au cou. Je ne savais pas quoi cuisiner pour dîner et j'avais héroïquement réussi à réunir juste ce qu'il fallait pour préparer des croque-monsieurs, que je mis à cuire au moment où le téléphone sonnait.

Bien que je demeurai à côté du four, je fis lamentablement calciner le dîner. Je fus donc expéditive avec mon interlocutrice, lui reprochant bêtement de choisir mes heures de rush pour téléphoner (maintenant, j'ai la sagesse de ne plus répondre au téléphone aux heures de repas).

Je raccrochai, sortis les croque-monsieur du four et m'effondrai en larmes devant ce qu'il subsistait de ce modeste repas si péniblement préparé.

Fils Aîné, qui avait assisté à la scène, me rassura: "Maman, il sont corrects tes croque-monsieur."

"Non ils ne sont pas corrects, ils sont complètement calcinés!" lui répondis-je, découragée à l'idée de devoir trouver une alternative.

Fils Aîné prit alors un ton réconfortant et affirma: "Ils ne sont pas calcinés maman, ils sont juste un peu dorés" et en guise de preuve, il fourra dans sa bouche un carré de pain noirci qu'il avala sans même grimacer.

Il confirma alors sa propre hypothèse: le repas était excellent et tout le monde allait donc survivre. Il appela ses frères et décréta que le repas était prêt. La question était réglée.

Pour apprécier la valeur réelle de ce geste, il faut savoir que Fils Aîné refuse catégoriquement d'ingurgiter toute crêpe, toast, grilled cheese, gaufre si elle est le moindrement dorée. Combien de fois me suis-je insurgée devant ses caprices en lui expliquant que sa crêpe était simplement dorée plutôt que calcinée comme il l'affirmait?

Que pouvais-je donc répondre à mon fils qui me servait mes propres paroles pour me démontrer sa compassion? Mieux encore, il avait fait ce qu'autrement il n'aurait jamais fait: il avait avalé quatre fois pire que ce qu'il s'était toujours refusé à avaler.

N'était-ce pas là une démonstration sans équivoque de sa capacité de don de soi?

jeudi, novembre 01, 2007

Une histoire d'Halloween

Une mère épuisée qui se laisse contaminer depuis deux jours par le virus du petit dernier tente de se reposer avant la préparation générale pour la course aux bonbons.

Mal en point, elle songe à laisser son homme courir seul l'Halloween avec les petits, puis se ravise: c'est le premier Halloween du petit dernier (qui refuse obstinément d'enfiler -et de garder- son costume) et elle ne veut pas le rater.

Agréable course aux bonbons, température parfaite, garçons sages et polis.

La mère rentre à la maison avec les enfants après la soirée tandis que l'amoureux repart faire quelques courses.

Elle tente de ramasser un peu le bordel de la maison, mais le tout-petit est malade et refuse de quitter ses bras. Elle réussit à obtenir une liberté conditionnelle en installant son petiot devant un petit film sur l'ordinateur.

Elle commence à ranger mais se décourage rapidement: des sacs d'écoles, manteaux-vestes-chandails-pièces de costumes d'Halloween sont étendus en trop encombrants tapis sur le plancher. Les crochets de l'entrée débordent avec des manteaux de trois saisons différentes. Les sacs d'épicerie de l'après-midi ne sont toujours pas défaits, le comptoir est encombré et la (très grande) table est recouverte des bonbons, que ses enfants s'échangent dans une parfaite quiétude.

Après avoir demandé plusieurs fois coopération en vain, elle regarde le tout avec un détachement nécessaire et constate qu'elle n'y arrivera pas.

En réalité, elle ne fait qu'éteindre des feux. Rien de ce qu'elle entreprend ne paraît jamais réellement et tout est toujours à recommencer. Elle ne voit rien d'autre à faire que d'aller se recroqueviller sur le divan pour pleurer en silence son désespoir.

Son aîné entre dans la pièce, s'inquiète doucement. Elle lui nomme la situation telle qu'elle est.

Le fils descend retrouver ses frères et contrairement à ce auquel elle aurait pu s'attendre, il ne les invective pas. La fratrie remonte sur-le-champ, vient valider les propos de l'aîné et à sa discrète demande, commence à ranger sans délai.

Tout-Doux vient s'accroupir près de sa mère et déclare doucement avant de poursuivre les tâches attribuées par l'aîné: "Ce qui te ferait du bien à toi, c'est un bon bain chaud".

Le tout-petit vient trouver sa maman, pointe ses larmes et décrète, fasciné: "Ooh, l'eau! L'eauuu, maman!"

L'aîné, sans dire mot, ramasse les jouets du tout-petit qui gisent sur le plancher et apporte quelques chocolats à sa mère en espérant lui remonter le moral. L'homme rentre et Coco s'empresse d'aller le retrouver pour lui expliquer le drame: "Maman pleure parce que c'est toujours le bordel dans la maison et qu'elle doit encore ranger toute seule".

L'homme ordonne à son amoureuse d'aller se coucher. Grand-Charme lui propose un massage, s'informe professionnellement du "plus haut", "plus fort", "pincer plutôt que pétrir". L'aîné vient lui prêter main forte: Grand-Charme se charge du massage manuel et Fils Aîné de l'appareil à massage chiropratique. Ils forment une équipe harmonieuse que la mère apprécie malgré ses persistants sanglots.

Le tout-petit, malade, colleux et possessif tente de se faufiler entre ses frères pour se coucher sur le dos de sa mère afin d'établir clairement son territoire. L'aîné découvre avec amusement que le petit craint le bruit de l'appareil et utilise cette astuce pour le chasser de sa zone de travail. Le tout-petit se greffe à un flanc de sa mère en guettant d'un oeil la terrible machine.

L'homme s'apprête à mettre la marmaille au lit, mais Coco réussit à se rendre plusieurs fois jusqu'au QG du massage pour promettre à sa mère (et lui réitérer, et lui rappeler, et lui certifier, et lui revalider) que demain, il va l'aider à ranger la maison.

La mère se dit qu'en gestion de crise, ses garçons possèdent sans contredit quelques aptitudes.

La volonté

J'ai longtemps cru que la volonté pouvait venir à bout d'à peu près n'importe quoi. J'ai longtemps carburé avec entrain dans des situations qui désespéraient mon entourage. Malgré ma vulnérabilité, je possède la capacité de me tenir debout dans les tempêtes. Je suis une fille qui ai une très forte volonté et j'en suis fière.

Toutefois, je sais de plus en plus que la volonté ne se suffit pas à elle-même. Elle a besoin d'appuis, de ressources, d'une certaine zone de solidité intérieure. Elle requiert certaines capacités préalables, de l'audace, des convictions, une certaine réserve d'énergie pour s'alimenter. Il est frustrant de posséder une grande volonté mais d'être contrainte par ses réserves fluctuantes de combustible.